C’est en 2002, lors d’un séjour en Tanzanie, que Laurent Baheux, frappé par la beauté de la faune en même temps que par sa fragilité, entame un travail photographique qui va devenir au fil des ans un hymne à la vie sauvage et un acte militant en faveur de la préservation de la biodiversité.
Réalisées dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe, ses images dépeignent un monde préservé mais en sursis. Sa vision n’a cependant rien de béat et ne se résume pas à l’apologie nostalgique d’un éden perdu : le danger, la violence, la mort, s’ils ne sont jamais exhibés, semblent omniprésents et sensibles.
Issu du reportage et principalement de la photographie sportive, Laurent Baheux excelle à saisir les scènes d’action, le mouvement animal dans son contexte naturel ; mais ce sont surtout ses portraits qui nous placent dans une étonnante proximité avec le sujet. Celle-ci ne tient pas qu’à l’emploi du téléobjectif : à travers la posture, l’expression, le regard, ces « visages », détachés de leur environnement, nous placent dans une intimité inhabituelle avec les corps en même temps qu’ils semblent nous confronter à une pensée animale. Pourtant cette pensée nous demeure inaccessible et conserve son mystère car l’auteur sait éviter cet anthropocentrisme qui entache tant de documentaires animaliers. Ces bêtes ne sont ni des objets – fussent-ils d’admiration –, ni des substituts d’humains.
Le choix du noir et blanc lui permet à de sublimer la beauté des corps, d’éviter tout aspect anecdotique, de jouer de la force graphique qu’offrent les ombres, les silhouettes à contre-jour, les rayures des zèbres, les taches des léopards. La vision que propose Laurent Baheux oscille entre celle de l’animal générique saisi dans son environnement, perçu comme élément d’un système parfaitement régulé, et celle de l’individu surpris dans une vie privée qui semble échapper à la détermination de l’espèce. Il nous place ainsi au cœur d’une définition complexe de la condition animale.